C’est une forme d’anorexie inversée qui touche les hommes uniquement. Malgré leur corps d’athlète, ceux qui en souffrent perçoivent leur musculature et leur stature comme insuffisantes. Résultat: régimes alimentaires, musculation excessive, prise de stéroïdes anabolisants et épuisement physique…
Les hommes qui souffrent du complexe d’Adonis se trouvent souvent trop petits de taille ou trop peu musclés et compensent cette perception erronée par une boulimie de sport et de musculation… (photo: istolethetv)
Les images du corps masculin et de la virilité véhiculées par les médias et la publicité ont donné naissance à un phénomène appelé la dysmorphie musculaire (de l’anglais muscle dysmorphia) ou anorexie inversée. C’est ce que l’on appelle aussi parfois le « Complexe d’Adonis ». Les hommes qui souffrent de cette pathologie sont insatisfaits de leur corps dont ils ont une perception erronée: ils se trouvent soit trop petits soit trop peu musclés, malgré une masse musculaire importante et un corps de bodybuilder… Conséquence : boulimie de sport et de musculation, épuisement physique, lésions musculaires ou articulaires et dopages dangereux. Ils ont également une conduite alimentaire anormale et sont obsédés par ce qu’ils mangent: de nombreux repas programmés tout au long de la journée, prise de certains aliments-remède et de compléments alimentaires, usage excessif de stéroïdes anabolisants et parfois aussi, injection de fluides servant à gonfler les muscles tels le synthol. Rater un repas ou une séance d’entraînement est perçu comme dramatique. Tout cela s’accompagne de troubles de l’humeur et de troubles anxieux.
Superman, Batman, Spiderman, Ken et les autres… L’influence des images du super-héros à la musculature surdimensionnée, véhiculées par les dessins animés et les bandes dessinées pour enfants compte parmi les hypothèses émises par les psychiatres pour expliquer le phénomène de la dysmorphie musculaire. Certaines expériences difficiles de l’enfance comme les problèmes familiaux, les moqueries à répétition, l’intimidation, le harcèlement, pourraient aussi être des facteurs déclencheurs.
Bien que leur motivation à rester jeunes et sveltes ne soit pas encore aussi forte que celle des femmes, désormais les hommes n’échappent plus aux dictats de la mode. L’obsession de la perfection physique et la recherche de l’éternelle jeunesse les gagnent aussi, lentement mais sûrement. Crèmes antirides, lotions hydratantes et autres produits cosmétiques masculins envahissent petit à petit les rayons des magasins. L’apparence physique devient un outil de conquête amoureuse et de promotion sociale et professionnelle. Dans ce contexte, il n’est pas étonnant de constater la multiplication des troubles du comportement liés à l’apparence physique que les thérapies cognitives et comportementales semblent être les plus aptes à soigner.
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Des recherches récentes mettent en évidence le lien entre troubles graves du comportement alimentaire et suicide.
Les personnes souffrant de dysmorphophobie sont plus susceptibles de faire une tentative de suicide…
D’après les résultats d’une étude publiée dans la revue américaine Suicide and Life-Threatening Behaviour, les tentatives de suicide seraient plus fréquentes chez les personnes atteintes de dysmorphophobie qui s’infligent des privations de nourriture excessives.
Les personnes qui souffrent du trouble dysmorphophobique ou « Trouble de Dysmorphie Corporelle » de l’anglais « Body Dismorphic Disorder » (BDD) sont persuadées d’avoir des défauts physiques qui en réalité n’existent pas ou sont vraiment minimes. Toute leur vie est centrée sur la nécessité d’éradiquer le prétendu défaut qui devient une préoccupation constante. Pour arriver à leurs fins, ces personnes ont divers comportements pathologiques comme, par exemple, l’automutilation physique (elles tentent d’« enlever » le défaut avec des pinces à épiler, des ciseaux, au couteau…), la répétition de régimes amaigrissants draconiens, l’excès d’exercice physique (voir aussi: complexe d’Adonis), l’automédication et la prise de substances potentiellement dangereuses telles les stéroïdes anabolisants. Elles ont aussi souvent recours à la chirurgie esthétique et à divers autres traitements (dermatologiques notamment) qui sont inutiles, puisque leur défaut physique est imaginaire.
Selon les auteurs de l’article, plus de 75% des personnes atteintes par cette maladie estiment que la vie ne vaut pas la peine d’être vécue et environ 25% ont déjà fait une tentative de suicide. Par ailleurs, cette tendance à vouloir en finir serait la plus marquée chez les patients obsédés par leur poids ou la forme de leur corps et qui s’infligent des régimes amaigrissants excessivement restrictifs. Cela s’expliquerait par une tolérance accrue à la douleur physique et une atténuation de la peur de mourir, induites par les privations et restrictions alimentaires à répétition.